Harper Lee et l’oiseau moqueur.

Article : Harper Lee et l’oiseau moqueur.
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4 juillet 2020

Harper Lee et l’oiseau moqueur.

Ce texte de Harper Lee relate un pan de l’histoire des Finch, une famille blanche de notables dans l’Alabama ségrégationniste des années 1930. Atticus, le père, est avocat et membre de la Chambre des Représentants de l’État fédéré. Veuf, il vit avec ses deux enfants : Jeremy – Jem -, et sa cadette de quatre ans, Jean Louise – Scout –

Scout, âgée de huit ans, est la narratrice. Elle présente la vie relativement tranquille que mènent sa famille et son voisinage au sein de la petite localité de Maycomb. De nombreux personnages habitent l’histoire. Dill, un ami d’enfance dont la curiosité n’a d’égale que la fécondité de son imagination ; Miss Maudie, conquête manquée de leur oncle, qui les couvre d’une bienveillance maternelle chaque fois qu’elle en a l’occasion ;  Arthur Radley, mystérieux voisin qui vit reclus chez ses parents et suscite moult interrogations ; Miss Crawford, la pipelette attitrée de la communauté ; la tante Alexandra Finch, intransigeante au sujet des conventions sociales ; Calpurnia, la gouvernante noire, autodidacte s’exprimant comme les personnes instruites, c’est-à-dire les Blancs, pouvant afficher son savoir dans le cadre de son travail chez son employeur progressiste, mais devant le dissimuler au milieu de sa communauté, de peur d’être isolée ; Miss Fisherl’enseignante acariâtre, équipée de bonnes intentions, mais d’une inutile sévérité…

Un évènement vient rompre la quotidien de Maycomb : Tom Robinsonun ouvrier noir, est accusé d’avoir violé Mayella Ewell, une femme blanche. Le juge du tribunal de Maycomb désigne Atticus Finch comme avocat commis d’office. Aussi bien des membres de la famille Finch que de la communauté blanche toute entière lui reprochent de défendre un Noir, et l’atmosphère électrique consécutive à l’affaire a des répercussions sur la vie sociale de Jem et Scout. Malgré les indices de l’innocence de l’accusé, le verdict est défavorable à Atticus Finch et son client.

Les points marquants de Harper Lee

Scout est d’une singulière précocité d’esprit, ayant très tôt appris à lire avec Calpurnia. La maturitérelative qui la caractérise, couplée à l’inévitable naïveté dont on ne peut se départir à son âge, constitue un rendu original.

Plus que du racisme : des thématiques multiples

Je suis ravi de m’être trompé au sujet de ce livre – merci à la quatrième de couverture – Il n’est pas qu’un point sur le racisme. A mon sens, la trame fondamentale de ce roman, c’est l’éducation. Le fait que cet ouvrage soit logé au sein de programmes scolaires aux États-Unis et en Grande-Bretagne n’est certainement pas hasardeux. Atticus Finch, d’une intelligence saillante, d’une rectitude enviable et d’une pédagogie millimétrée envers ses enfants, est l’un des personnages les plus inspirants qu’il m’ait été donné de visiter.

Au-delà de l’éducation et du racisme, ce roman réalise une intersection entre plusieurs autres thèmes. L’extrémisme religieux, l’anticonformisme et  la fraternité notamment, sont éparpillés par une écriture subtile et distinguée. Aussi, les traits d’humour empreints de sarcasme et de raillerie, ont le mérite de rendre la lecture fort plaisante.

Un aspect du roman sur lequel Harper Lee m’a parue insistante, c’est la difficulté pour une jeune fille de grandir au milieu de garçons, car obligée de leur ressembler pour s’intégrer. Et à ce propos, il y a une vide dans le récit qui crée de la perplexité. Scout n’a pas connu sa génitrice. Ses modèles sont son père, et son grand-frère dans une certaine mesure. Bagarreuse et hostile aux vêtements féminins, elle est ce qui se rapproche le plus d’un garçon manqué. Cependant, l’auteure reste muette sur un possible lien de cause à effet avec l’absence de figure maternelle, tout en positionnant de manière occasionnelle Calpurnia, Miss Maudie et la tante Alexandra comme des figures de substitution.

Par ailleurs, l’épisode du procès est immanquablement le plus addictif de ce roman. En termes de nature – mais pas de degré -, la plaidoirie de Atticus Finch m’a conduit à me remémorer celle de Fétioukovitch, dans Les Frères Karamazov. On y retrouve le même souci de précision, de raffinement, et d’humanisme.

Ce roman de Harper Lee célèbre l’enfance, période de vie durant laquelle la sensibilité et la tolérance sont vives, mais s’estompent progressivement au fil de la croissance humaine. Et en cela, il est universel.

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Commentaires

Dr K.
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Très belle grille de lecture, critique soutenue et détaillée. Vous m'avez bien vendu ce roman dont j'ai plusieurs fois entendu parlé sans jamais y accorder de l'intérêt. Merci encore, Belle plume.